La découverte de la composition de l'air
Les quatre éléments (Antiquité)
La composition de l'air ? Quelle drôle de question, auraient rétorqué les Anciens. Les philosophes grecs cherchaient plutôt à découvrir les principes de Aristotebase de l'Univers, ceux à partir desquels il est construit : l'eau, au VIIe S. av. J-C., pour Thalés (celui du theorème); l'air, pour Anaximène,au VIè s. av. J.-C. Empedocle, au V. s. av. J.-C., mit tout le monde d'accord en recensant quatre substances primordiales: la terre, l'eau, l'air et le feu. Reprise par Aristote, cette théorie traversa les siècles jusqu'au XVIIIè s., sans doute parce qu'elle collait bien avec les observations des chercheurs de l'époque sur les quatre états de la matière: solide, liquide, gazeux et... incandescent. Le feu, qui pourtant transforme la matière, fait évaporer l'eau, consumer le bois, fondre les métaux était considéré comme un élément simple.
Du vent dans le métal (Moyen Age)
A force de triturer les matériaux dans leurs fours et leurs cornues, les alchimistes firent Alchimistespourtant des observations étonnantes. Ainsi le plus célebre d'entre eux, le Suisse Paracelse, note, au début du XVlè s qu'il se dégage « un vent » lorsque l'on verse du vitriol sur le fer en présence d'eau, mais il n'analyse pas la nature du "vent" ainsi produit. De même, il constate que l'étain calciné pèse plus lourd qu'avant la calcination; il en conclut que l'âme du métal est montée au ciel sous l'effet du feu, privant l'étain de sa nature aérienne qui l'allégeait.
Des médecins qui ne manquaient pas d'air (Début du XVIIème)
Deux toubibs vont tirer des conclusions bien différentes d'expériences analogues. Jean Rey, un médecin périgourdin affirme que le poids des échantillons de métal oxydés par calcination augmente parce que de l'air " épaissi " s'attache au métal. A Bruxelles, Jean-Baptiste Van Helmont réussit de son côté à recueillir des gaz : c'est lui qui nomme ainsi les "esprits" qui se dégagent lors de ses expériences, tel le "gaz sylvestre", résultant de la combustion du charbon. Il découvre aussi que lorsqu'une chandelle brûle dans un bocal clos, le volume d'air enfermé diminue. Mais il n'envisage pas que cet air soit en lui-méme composé de plusieurs éléments, même s'il sert de réceptacle aux « gaz » produits par ailleurs.
L'air fait vivre (1658)
BoyleQuelques oiseaux et souris paient de leur vie les découvertes du grand savantanglais Robert Boyle: grâce à une pompe à vide que vient d'inventer un Allemand, Otto de Guericke, Boyle fait le vide dans des récipients et constate que, sans air, le feu s'éteint, l'animal meurt. Dans un récipient fermé, il constate qu'une partie seulement de l'air est respiration, et que dans l'air restant la bougie s'éteint, comme dans le vide. Il existerait plusieurs sortes d'« air » puisque l'un attise le feu quand l'autre l'éteint
A plein gaz (1756-1774)
Durant le siècle des Lumières, la science est à la mode et nombre d'honnêtes hommes se livrent à des expérimentations dans leurs labos personnels, munis d'instruments de mesure de plus en plus perfectionnés. Une brochette de Britanniques multiplie les trouvailles. En 1756, Joseph Black, un jeune Écossais, compare la diminution de poids d'un morceau de craie après chauffage et la quantité d'« air fixé »(du dioxyde de carbone) qui s'en est dégagé, prouvant que cet « air »est différent de l'air atmosphérique et semblable à celuiPriestley rejeté quand on respire. En 1765, l'aristocrate anglais Henry Cavendish découvre l'« air inflammable » (du dihydrogène)en versant de l'acide chlorhydrique sur du fer.
Puis le pasteur John Priestley isole une série de gaz différents, en particulier le diazote. Le 1er août 1774, en chauffant de l'oxyde de mercure, il recueille du dioxygène. Le Suédois Karl Wilhelm Scheele fait de son côté la même découverte.
Lavoisier au centigramme près (1775)
À Paris, Antoine Laurent de Lavoisier, infrmier général de son état et chimiste de génie pendant ses loisirs, suit de près les travaux des savants anglais. LavoisierPriestley vient même diner chez lui à Paris en 1774, et raconte comment il a isolé ce drôle d'air (le dioxygène) qui avive la flamme d'une bougie. L'année suivante, Lavoisier reprend l'expérience du pasteur, pesant tous les composants. Pendant douze jours d'affilée (oui, douze !) il fait bouillir 122 g de mercure dans une cornue reliée à une cloche remplie de 0,80 litre d'air. Il recueille et pèse l'oxyde de mercure formé en surface (2,3 g) et l'air restant sous la cloche (0,66 litre). Dans cet « air » -du diazote-, la bougie s'éteint. Le gaz manquant (le dioxygène) s'est donc lié au mercure.
La preuve ? Lavoisier chauffe les 2,3 g d'oxyde de mercure et recueille sous sa cloche 0,14 litre d'un gaz qui avive la flamme d'une bougie. L'air se compose donc de plusieurs éléments :1/5 de dioxygène et 4/5 de diazote. (voir l'expérience de Lavoisier)

Gaz rares (20ème siècle)
Les travaux de Lavoisier firent vite autorité. Depuis, au xxè s., on a découvert en proportions infimes dans l'air atmosphérique des gaz rares (hélium, néon, argon, krypton, xénon), ainsi que des variations dans la composition de l'air en fonction de l'altitude ou du milieu atmosphérique (dioxyde d'azote, ozone et autres polluants dans les cités). Mais l'air pur dont nous rêvons, diazote et dioxygène, reste celui décrit par Lavoisier.

Texte tiré de sciences et vie junior 67